Culture
- Publié le 21 février 2023

Quais du Polar / Interview croisée

Olivier Truc et Rosa Montero

Rosa Montero et Olivier Truc, attendus à Lyon pour le prochain festival Quais du polar, ont répondu à nos questions !

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Dans le cadre d’un partenariat littéraire avec Quais du Polar, deux grands auteurs de romans noirs ont écrit à quatre mains L'inconnue du port. L’Espagnole Rosa Montero, journaliste et romancière, dont l’œuvre renommée a été récompensée par le Prix national des lettres espagnoles. Et le Français Olivier Truc, journaliste et spécialiste des pays scandinaves, auteur best-seller en France, notamment grâce à sa série La police des rennes.

Comment vous définissez-vous en 3 mots ?

Rosa Montero : Curieuse, passionnée, empathique
Olivier Truc : Curieux, rêveur, marcheur.

Pouvez-vous nous raconter un souvenir d'enfance ?

Rosa : L'odeur douce et parfumée des étals de melons dans l'alameda, avec le soleil qui traverse les feuilles, par un été lumineux et sans fin.
Olivier : J’hésite entre mon premier souvenir de cinéma, Le livre de la jungle, j’ai encore en tête l’image de fin (je crois, je n’ai jamais vérifié) Mowgli et Baloo qui s’éloignent en chantant et dansant ; ou encore quand je donne à manger à mon grand-père maternel (steak haché et purée), seule image que je garde de lui, j’avais un peu plus de 4 ans, il est mort quelques jours plus tard ; ou ma première amoureuse, j’étais en maternelle, horriblement timide, le seul moyen de communiquer avec elle était de lui lancer des lego quand elle regardait ailleurs, ça n’a pas vraiment marché je crois.

Vous avez été tous deux journalistes : quel rôle cette expérience joue dans votre travail littéraire ?

Rosa : Le journalisme écrit, que je pratique, est une autre forme de genre littéraire. De Sang froid de Truman Capote est un reportage et c’est également de la grande littérature, par exemple. Mais le journalisme et la fiction sont très différents. Dans le journalisme, le principe est la clarté, alors que dans le roman, le principe est l'ambiguïté. Et dans le journalisme, on parle de ce que l'on sait, de ce qui a été documenté et sur lequel on se pose des questions, tandis que dans le roman, on parle de ce que l'on ne sait pas, parce que la fiction naît de l'inconscient.
Olivier : Enorme ! Le journalisme est peut-être le plus beau métier du monde, qui génère aussi ses frustrations, par manque de place ou parce que l’on ne sait jamais vraiment ce qu’il y a dans la tête des gens qu’on interroge. La littérature, et notamment le roman noir ou le polar, a été inventée pour les journalistes frustrés, un espace de liberté et d’expérience sans pareil. Et plus concrètement, le journalisme m’apporte la discipline d’écriture, la capacité d’enquête, le goût des autres, la richesse du terrain et des rencontres, la conviction qu’on peut s’adresser à n’importe qui, l’envie d’aller là où les autres ne vont pas.

Comment est né ce projet de cadavre exquis ?

Rosa : Les éditions Points et Quais du polar m’en ont fait la proposition et j'ai trouvé l’idée passionnante et amusante. Puis on m’a dit que mon collègue allait être Olivier Truc, que je connaissais déjà et que j'aimais beaucoup, et cela m'a convaincue parce que je savais que nous arriverions à nous comprendre. C'est ce qui s’est passé, et ce travail s'est avéré encore plus passionnant et formidable que je ne l'avais imaginé.
Olivier : J’ai été contacté par les éditions Points, j’ai tout de suite accepté, d’autant plus facilement que c’était avec l’Espagne, un pays que j’aime beaucoup, et Rosa Montero, qui est formidable !

Votre roman se déroule à Lyon et à Barcelone, ces deux villes ont-elles des ressemblances ?

Rosa : Oh oui, bizarrement, je pense qu'elles sont assez similaires. Ce sont deux villes portuaires, l'une sur le fleuve et l'autre sur la mer ; d'ailleurs, je dirais que le centre est à peu près de la même dimension, elles cultivent un certain goût du raffinement et les deux villes sont dotées de magnifiques bâtiments héritées de leur solide passé bourgeois.
Olivier : Deux villes grandes et fières, à forte identité, où l’on mange magnifiquement bien.

Une autrice espagnole qui vit à Madrid, un auteur français qui habite Stockholm : est-ce l'alliance du feu et de la glace ?

Rosa : Ha ha ha, je dirais que de tempérament nous sommes tous les deux plutôt chaleureux et passionnés, même si je dois avouer qu'une partie de mon cœur penche du côté viking car j'aime le Nord et la glace. Le fait est que nous avons formé une belle équipe.
Olivier : Bref, l’alliance parfaite !

Quel est votre livre de chevet en ce moment ?

Rosa : Je viens de terminer le roman El tiempo de las moscas de Claudia Piñeiro, qui est magnifique, et je commence un essai sur l'IA, Intelligence unbound : the future of uploaded and machine minds édité par Russel Blackford et Damien Briderick, car le sujet m’intéresse particulièrement pour mon prochain roman avec mon personnage futuriste, Bruna Husky.
Olivier : J’en ai plusieurs, comme toujours. Actuellement : Les abeilles grises, de Andreï Kourkov (Liana Levi 2022), Il n’y a pas de Ajar, de Delphine Horvilleur (Grasset 2022), Roca Pelada, de Eduardo Fernando Varela (Métailié 2023), et Pionnier en Sibérie et dans la mer de Kara de Jonas Lied (Payot 1951).